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 68, mais qu'en est il ?

par Bruno jouhet

 

     du pavé faisons table rase    du présent faisons table pleine
                                                                               photos henri Bokilo

Mai 68, qu'en est-il 40 ans après ? Le fait même d'évoquer cette époque et son éloignement dans le temps pourrait presque, par un glissement de sens, figer sa rémanence dans une vitrine de musée ou dans un sarcophage bien poli. Ce qui, par le truchement de la mémoire, viserait davantage à le voir en beau mais décidément bien moribond dans son costume poussiéreux d'utopie sous l'invasion véhémente des sarcomes proliférant, émanant des salles de marché dans le corps d'une civilisation finissante. Ce qui réduirait les fragances de sa sensuelle vitalité à de vagues effluves d'officine où un apothicaire dépressif et agité, se démènerait, entre des éprouvettes bouillonnantes, pour essayer de trouver l'ultime remède à sa réhabilitation.
Fort heureusement, nous n'en sommes pas là. Il n'y pas de commémoration possible à une telle récréation, à un tel souffle dans l'histoire. Nos cheveux aussi s'en souviennent. Il n'y a pas non plus de médailles et de galons à distribuer à d'anciens combattants revenus des barricades et ayant perdu leurs illusions au front ( vu les places que certains occupent aujourd'hui et les tronches que le confort leur a fabriquées ...).
" La commémoration est à la fête ce que la règle est au jeu : une tentative de l' établissement social pour absorber, digérer et ou s'approprier, ce que l'un et l'autre ont d'inacceptable pour l'ordre établi. Et la régularité d'un temps continu est la meilleure arme contre le hasard, l'imprévisible ou le "désordre"."C'est Jean Duvignaud qui a écrit çà. Il s'agirait plutôt de recréer les conditions nécessaires à l'esprit du jeu et de la récréation sans y loger la moindre parcelle d'amertume; d'ouvrir des brèches dans ce cloisonnement auquel on tente de nous faire croire et d'organiser le plus sérieusement possible des batailles de polochons, des transports de tartes à la crème par la voie des airs et pourquoi pas, un feu d'artichaud où tourbillonneraient des volutes de pommes de terres. Alors ayons la frite et gardons-nous des rabat-joie, des yaka, des foqueu et des cécomsa.
Du caillou jeté dans les eaux stagnantes et pudibondes des années soixante, nous percevons encore les ondes circulaires gagner la rive où nous nous tenons rêveurs et vivants, à l'affût du flux et du reflux où le morne clapotis cessera. 

performance d'épluchage le 23/05 par Bruno Jouhet & Brigitte Goffart