CONTRÔLER LA PUBLICITÉ POUR SAUVER
L'HOMME ET LA PLANÈTE ?
par Thomas GUÉRET et Claude GOT
www.antipub.net
Dans cette tribune, Thomas GUÉRET et Claude GOT défendent l’idée d’un encadrement réglementaire de la publicité pour protéger l’environnement et la santé publique. Bizarrement, elle a été refusée par Le Monde, journal "indépendant", notamment des intérêts publicitaires comme chacun sait...
Le rôle que joue la publicité dans ces domaines, en tant que fabrique d’imaginaire et de valeurs et dans la diffusion de modes de vie, fait l’objet de critiques d’un nombre croissant de citoyens et d’organisations. Il n’y a pour s’en convaincre qu’à se rappeler quelques éléments de l’actualité dont le rapprochement est parlant.Citons d’abord un sondage (nov. 2006, Ipsos / agence Australie) selon lequel 77% des Français trouveraient la publicité envahissante, 54% la trouveraient agressive et 50% dangereuse. Comment s’en étonner face à la présence dans notre environnement et dans les médias de milliers de messages publicitaires banalisant la destruction de l’environnement (publicité pour les 4x4), la violence et les comportements dangereux (culte de la vitesse, alcool), et le gaspillage (promotion de l’eau en bouteille)? Et les supports eux-mêmes sont autant de nuisances sociales et environnementales: 30% de panneaux publicitaire illégaux, gaspillage des prospectus, occupation croissante de l’espace public et intrusions dans la vie privée.
En témoigne également la lutte des d’associations de consommateurs contre la publicité comme facteur d’obésité, phénomène manifestement lié à la promotion à grande échelle de produits alimentaires déséquilibrés et de modes de vie associés (grignotage). Le législateur actuel, pourtant peu enclin à multiplier les obligations légales, a d’ailleurs introduit récemment, pour répondre à cette préoccupation, des mentions légales obligatoires sur les publicités concernées. Dans un autre domaine, il a aussi imposé une mention légale aux publicités des fournisseurs d’énergie pour contrer leur impact négatif sur les économies d’énergie.
Le système des mentions légales a des défauts, mais il a tout de même le mérite d’exister et d’être une première intervention régulatrice dans un domaine où les demandes de la société civile et des experts en santé publique ont toujours été contrées par les groupes de pression des industriels concernés et par le fameux « Bureau de vérification de la publicité » (BVP), en fait une association de professionnels de la publicité.
Pour finir, mentionnons justement le travail de fond entrepris depuis un an par l’Alliance pour la planète (www.lalliance.fr) sur la question de la publicité et de l’environnement. Trente cinq associations, réunies autour de Résistance à l’agression publicitaire (R.A.P.), du WWF, d’Action consommation, du Réseau action climat (R.A.C.) et d’Écologie sans frontières ont développé une critique documentée et des propositions de réforme rendues publiques en décembre dernier. Il s’agit d’encadrer la publicité sur trois principaux points: ses impacts directs sur l’environnement, bien-sûr, mais aussi et surtout la nature des messages (apologie du gaspillage, modes de vie non durables) et la publicité pour les produits polluants ou dangereux. Les professionnels continuent à faire la sourde oreille, et ce sont donc des propositions détaillées ainsi que les soutiens de candidats à la présidentielle que l’Alliance a rendus publics le 5 avril dernier. La mesure phare: le remplacement du système de contrôle des publicités, aujourd’hui mal assuré par le BVP, qui manque de moyens, de compétences et n’a aucun intérêt à sanctionner ses membres, par la mise en place d’une Autorité administrative indépendante dotée des moyens de contrôle et de sanction nécessaire des contrevenants.
Bien sûr, la publicité n’est pas la seule en cause. La production de masse met les biens et services à la disposition des populations favorisées du globe, à tout moment, en tout endroit et pour un coût faible. Cette grande disponibilité crée des avantages mais elle peut aussi amplifier les nuisances. C’est ainsi que les ravages de l’alcoolisme se développent quand le vin et la bière deviennent aisément transportables et d’un prix abordable... et qu’on en fait une promotion irraisonnée! Il en est de même pour les consommations d’énergie qui s’emballent, loin de la nécessaire sobriété énergétique que devraient nous dicter la finitude des ressources fossiles, le changement climatique et la nécessité morale de garantir les services énergétiques de base aux défavorisés. C’est en poussant ceux qui ont déjà trop à consommer encore plus que la publicité contribue à creuser les inégalités et à aggraver les problèmes écologiques liés à la surconsommation.
Thomas GUÉRET
Copilote de l’atelier « Publicité et environnement » de l’Alliance pour la planète et président de Résistance à l’agression publicitaire. Voir www.lalliance.fr et www.antipub.net.
Claude GOT
Professeur honoraire de médecine et spécialiste de la santé publique.
Voir www.securite-sanitaire.org
Tribune parue dans AgoraVox